Auteur(s) : Par Fabrice Jaffré
Un peu plus d'un an après son lancement, en novembre 2022, qu'est devenu ChatGPT®, le célèbre chatbot basé sur l'intelligence artificielle ? Et y a-t-il eu des applications dans le monde vétérinaire ?
ChatGPT, développé par la société OpenAI, existe actuellement en deux versions. La version GPT-3.5 est disponible gratuitement en ligne· ou sur l'app dédiée sur smartphone. La version GPT-4, plus performante, coûte 22 € HT par mois. Elle accepte dorénavant les images, ce qui permet par exemple de réaliser une diagnose de parasite ou de radiographie (voir photo). À l'inverse, on peut demander à ChatGPT de générer une image à partir du descriptif qu'on lui fournit. Et, depuis novembre 2023, les utilisateurs peuvent créer, sans langage particulier, des chatbots sur mesure, appelés GPTs. Ils vont tenir compte d'un contexte précis et respecter un certain style de réponse. Il est également possible de récupérer des GPTs créés par d'autres utilisateurs dans le GPT Store ou sur des sites comme PromptBase. Par exemple, on pourra créer un GPTs « vétérinaire référé en dermatologie», qui utilisera de préférence les sources de données qu'on lui aura indiquées (afin s'assurer de la fiabilité des informations), et qui emploiera un vocabulaire professionnel dans ses réponses, et non des termes vulgarisés comme le ferait ChatGPT dans sa version gratuite. On pourra également le paramétrer pour qu'il vérifie la présence de certaines informations dans la question envoyée par l'utilisateur (par exemple la race de l'animal ou son âge) et que, dans le cas contraire, il les réclame dans la suite de la conversation. Enfin, il est possible d'alimenter sa base de connaissances avec des documents qui ne seraient pas accessibles sur Internet (des articles de référence au format PDF par exemple).
Vers une intégration dans le quotidien des vétos ?
Des vétérinaires ont commencé à intégrer ChatGPT dans leur quotidien. Ainsi, le site web de VETDOM, un service vétérinaire exclusivement à domicile à Narbonne et dans sa région, est équipé d'un robot conversationnel qui s'appuie sur ChatGPT. " Comme nous l'avons alimenté avec des informations sur VETDOM, il est capable de répondre à toutes les questions sur notre structure et sur la santé des animaux. On compte actuellement plus d'une centaine de questions par mois», indique Emmanuel Faget, associé chez VETDOM. Depuis le 15 janvier, les vétérinaires de la structure utilisent également ChatGPT pour réaliser les comptes rendus de consultation. Pour commencer, le vétérinaire dicte sur smartphone le compte rendu brut à Siri (l'outil de reconnaissance vocale d'Apple), ou le tape directement dans une interface spécifique. Avant d'être soumis à ChatGPT, le texte subit un prétraitement qui remplace automatiquement les abréviations par les termes exacts. Le praticien ajoute le contexte à ChatGPT en récupérant les informations concernant l'animal dans le logiciel de gestion de la clinique. Le compte rendu reformulé par ChatGPT (voir encadré) est alors soumis au vétérinaire pour relecture, puis déposé dans l'espace en ligne du propriétaire.
« Le taux de contresens est inférieur à 0, 1 %. Cela devrait nous amener, après un mois de test supplémentaire, à mettre en ligne sans validation, en précisant bien sûr au client qu'un outil d'intelligence a été utilisé pour reformuler », précise Emmanuel Faget. Chaque génération de compte rendu est facturée par OpenAI environ 1 centime, donc actuellement aucun surcoût n'est intégré dans la consultation.
La clinique a également testé l'utilisation de ChatGPT comme livret d'intégration pour faciliter l'arrivée des nouveaux membres dans l'équipe. Les différentes procédures, médicales ou non, ont été soumises à l'outil. « Les résultats sont mitigés, notamment parce que les schémas ne sont pas bien retranscrits. Il faudra sans doute affiner davantage les paramétrages d'entrée. »
De multiples fonctions à venir
Mathieu Lamant, vétérinaire à Vandouvre-lès-Nancy, a cofondé HVC Premium, qui commercialise une panoplie d'outils exploitant l'intelligence artificielle, que ce soit dans l'administratif, dans le management ou dans la pratique. Parmi eux, Stars Boost est composé de deux parties. La première gère les questionnaires de satisfaction client. Il suffit d'injecter dans le logiciel une liste d'adresses mail (extraite du logiciel de gestion de la clinique) au format Excel et l'outil se charge d'envoyer les mails aux clients. Il réceptionne ensuite les réponses et en génère une synthèse. " L'apport de l'IA est ici d'analyser les commentaires suite à une question ouverte et de réaliser la synthèse, souligne Mathieu Lamant. Nous utilisons actuellement ChatGPT, mais nous sommes en capacité d'utiliser d'autres outils, comme BARD ou Mistral, s'ils se révèlent plus performants. " La seconde partie récupère les commentaires déposés par les clients sur Google, puis rédige une réponse, qui est validée ou corrigée par le vétérinaire tous les soirs. Stars Boost est disponible sur abonnement à partir de 40 € HT par mois.
Autre outil proposé au vétérinaire : l'assistante virtuelle Julie Vetlnternist. Le professionnel envoie à une adresse spécifique un courriel qui contient un copier-coller de la fiche de l'animal et le compte rendu brut. En retour, l'outil lui adresse un compte rendu destiné au client, une déclinaison pour les archives et, le cas échéant, une version pour le vétérinaire référent. Autre option, envoyer la fiche de l'animal, les symptômes, les examens réalisés et leurs résultats, et demander un diagnostic différentiel à ChatGPT. Ce dernier lui soumettra en retour une liste d'hypothèses, qu'il sera possible d'affiner en poursuivant l'échange, toujours par messagerie. Julie Vetlnternist revient à 99 € HT par mois. "Nous proposerons bientôt un simulateur de cas cliniques, ajoute Mathieu Lamant. L'utilisateur devra juste indiquer la spécialité et le niveau de complexité, puis, suite à la lecture du cas proposé par l'IA, suggérer un diagnostic ou demander la réalisation virtuelle d'examens complémentaires. L'IA pourra même l'aiguiller à l'aide d'indices si besoin. Nous proposons également des formations aux vétérinaires qui leur permettent de créer leurs propres GPTs », détaille Mathieu Lamant.
Malgré les défauts et l'impact environnemental (voir encadré), l'intégration d'outils d'IA tel que ChatGPT au sein du cabinet vétérinaire semble répondre à une attente de la profession, que ce soit pour l'automatisation de tâches rébarbatives ou pour l'aide à la prise de décision. On peut facilement parier sur l'apparition prochaine d'utilisations encore plus innovantes, exploitant au mieux les capacités de synthèse de l'IA.
ChatGPT, l'outil parfait ?
Même si ChatGPT est bluffant, il distingue mal les fake news et génère parfois des hallucinations, autrement dit des réponses apparemment plausibles mais inventées. Et sa base de connaissances s'arrête à janvier 2022 pour GPT-
3.5 et avril 2023 pour GPT-4 (même si la version 4 peut décider d'utiliser Internet à la recherche d'informations plus récentes). ChatGPT a également été qualifié de bombe environnementale : une seule question posée à ChatGPT consommerait 10 fois plus d'énergie qu'une recherche sur Google 1. Et toutes les 50 requêtes, un litre d'eau serait nécessaire pour refroidir les data centers2, ce qui représente à l'échelle mondiale des volumes d'eau douce considérables.
